Par Nicolas Darbois Comité de rédaction
En l’absence de soutien gouvernemental, le secteur du shale aux Etats-Unis a dû réagir quasi instantanément à la baisse des prix du brut de mars 2020. Cette « mise à l’arrêt » brutale a souligné les faiblesses du modèle de financement des indépendants. Certains acteurs sont cependant résilients et il est un peu tôt pour reléguer le shale à un rôle d’appoint dans la production mondiale d’hydrocarbures liquides.
Le secteur du shale a pris sa part dans la réduction de la production mondiale de brut rendue nécessaire par la chute brutale de la demande. Deux mesures de bons sens ont été adoptées par tous les producteurs afin de préserver leur cash flow quelle que soit leur situation financière : (i) la mise à l’arrêt de la partie de leur production générant des pertes en cash et (ii) la baisse de leurs investissements de forage et de complétion dans de nouveaux puits. Lorsque la situation financière des producteurs le permettait, certains puits intrinsèquement rentables ont aussi été fermés dans l’attente d’une amélioration des prix du brut. Annexe A
La crise du Covid-19 impacte les financements des entreprises de tous les secteurs
La baisse des marchés d’actions rend les renforcements de fonds propres difficiles. Les augmentations de capital de sociétés en difficulté dites de « distress » ont été rarissimes jusqu’à présent (le groupe de croisière Carnival est une exception notable). Les levées de dettes sont aussi très problématiques dans la catégorie « sub- ou non-investment », à laquelle appartiennent la plupart des producteurs du shale. A l’inverse les signatures de qualité, parmi lesquelles les IOC, ont pu émettre de nouveaux emprunts à des taux très bas. Les banques enfin seront affectées par le ralentissement des affaires et les pertes de crédit causées par leurs clients les plus fragiles. Leur appétit pour prêter (hors des systèmes de garantie mis en place par les Etats) risque de diminuer et leurs exigences en matière de marges et de garanties pourraient se durcir.
Face à ces difficultés généralisées, le gouvernement fédéral et la Fed ont apporté une réponse massive. Le Congrès a approuvé des mesures d’un montant global de 2 300 G$ pour soutenir l’économie, comprenant 600 G$ de prêts et garanties destinés aux entreprises de taille moyenne.
L’appétit des financiers pour soutenir le shale est moindre qu’en 2016, dernier bas de cycle
Les financiers gardent tout d’abord en mémoire les nombreuses augmentations de capital réalisées par des producteurs à partir de 2016, qui ont été déterminantes pour le redémarrage du secteur. La discipline financière promise n’a pas toujours été au rendez-vous et il sera aujourd’hui difficile de convaincre les actionnaires de « remettre au pot » alors que leur retour sur investissement depuis leur dernier apport est largement négatif Annexe C
Le sentiment négatif contre les énergies fossiles a par ailleurs gagné du terrain depuis quatre ans. En témoigne l’âpre débat dans l’opinion publique américaine sur l’éligibilité des producteurs de shale aux prêts de la Fed.
Une autre illustration est celle de la montée d’une vague de faillites, qui a déjà emporté Chesapeake, l’un des pionniers emblématiques du secteur
Consolidation à moyen terme ? Quels acteurs ? Quelles conséquences sur la production de liquides ?
Les indépendants sans soutiens financiers pour reprendre leurs investissements sont appelés à disparaître. Quelques fusions dites « horizontales » (ou « mergers of equals ») d’acteurs faibles pourront avoir lieu mais en général leurs actifs passeront entre les mains d’acteurs plus importants comme les IOC et les fonds d’investissement, même si les premiers cités privilégient la croissance interne. Leur stratégie de création de valeur reposera sur un développement raisonné et étalé dans le temps de leurs ressources dans le shale en s’affranchissant des contraintes à court terme des marchés boursiers, qui poussaient de nombreux indépendants à faire croître leur production à tout va.
Il en résultera un « manque à produire » par rapport aux prédictions antérieures exagérément optimistes des analystes – qui essayaient souvent de faire coller leurs modèles aux performances réelles de production, souvent supérieures aux projections. En parallèle il est possible qu’une partie de la demande de liquides ait été « détruite » par la crise du Covid-19. C’est pourquoi la perte d’importance du shale dans l’offre pourrait n’être que relative. Le shale devrait finalement continuer de jouer un rôle important dans l’équilibre du marché du brut en raison notamment de sa capacité de réaction quasi instantanée (à l’échelle de temps de l’amont pétrolier) aux signaux du marché. Annexe D
* Achevé de rédiger le 15 juillet 2020
ANNEXE A
D’où vient la baisse de production du shale de 2 Mb/j« promise » par l’administration US ?
Un objectif de baisse de 2 M b/j représente un effort considérable pour le secteur qui a produit plus de 8 Mb/j entre septembre 2019 et mars 2020 selon l’EIA, agence du gouvernement fédéral. La production a crû de façon quasi ininterrompue mois après mois depuis octobre 2016 alors que se tenaient les premières négociations de l’OPEP+ en vue d’une réduction de la production qui a pris effet le 1er janvier 2017. Une baisse de 2 M b/j ne ramènerait cependant le niveau de production que deux ans en arrière en raison de la dynamique de croissance depuis fin 2016.
La baisse effective de la production combine (i) les fermetures totales (shut in) ou partielles (curtailment) de puits déjà en production et (ii) les effets de la baisse brutale des investissements annoncée par les opérateurs. Trois grands bassins représentent 84% de la production, le Permian Basin (56%) à cheval sur le West Texas et le New Mexico, l’Eagle Ford (15%) dans le South Texas et le Bakken (13%) dans le North Dakota et le Montana.
L’EIA publie d’une part des données historiques de production de « tight oil » remontées par les différents Etats et d’autre part des projections à partir d’un modèle interne qui sont intégrées dans deux rapports mensuels différents (!). Le premier, le « Drilling Productivity Report, DPR » évoqué en Annexe B, se concentre sur les trois grands bassins précités. Le second, le « Short Term Energy Outlook, STEO » traite de toutes les sources d’énergie aux US. La production du shale n’y est pas explicitée mais elle constitue la majeure partie de la production des « Lower 48 onshore » qui comprend aussi de la production conventionnelle. La cohérence des différents chiffres n’est malheureusement pas toujours au rendez-vous.
Les dernières données historiques intègrent le mois de mai 2020 avec production de « tight oil » de 7,1 Mb/j fait ressortir une baisse légèrement supérieure à 1,046 M b/j par rapport à mars 2020. Le dernier DPR du 13 juillet 2020 projette une baisse de production de 0,3 Mb/j supplémentaire entre mai et août 2020, à partir hélas d’une production en mai à 7,8 Mb/j hélas différente des données historiques du même mois (supérieure de 0,7 Mb/j ; cette différence importante provient peut-être de l’intégration partielle de condensats). Le STEO du 7 juillet 2020 estime que la production des Lower 48 onshore (« tight oil » principalement et production conventionnelle en minorité) devrait passer de 9 Mb/j en mai 2020 à 8,5 Mb/j au 1er semestre 2021.
En regroupant ces données, on arrive à une diminution de 1,85 Mb/j en ligne avec la cible de 2 Mb/j.
Fermeture ou réduction de la production de puits existants : rationalité économique
Le débat sur des fermetures coercitives (« mandated ») imposées par les Etats producteurs (Texas, Oklahoma et North Dakota) a été intense entre les diverses parties prenantes mais s’est soldé par la décision de laisser les forces du marché réguler la production (l’offre) face à l’écroulement de la demande et la saturation des capacités de stockage régionales. Les fermetures auront donc été décidées par les producteurs eux-mêmes.
Trois situations sont possibles :
le puits « brûle du cash » car ses revenus (à la tête de puits sur la base d’un prix « netback », WTI moins coûts de transport) ne couvrent pas ses coûts variables de production ;
la production ne peut physiquement être évacuée en raison d’un manque de capacité de stockage en aval
ou le puits génère du cash mais le producteur préfère différer ce cash flow en anticipant une remontée des prix.
Ces considérations ont conduit nombre de producteurs à fermer des puits ou à en limiter la production à partir d’avril. La remontée du prix du WTI a entraîné le retour d’une grande partie de cette production à partir de juillet 2020.
Conséquences de la baisse des investissements de forage et de complétions
La quasi-totalité des opérateurs cotés en bourse ont annoncé publiquement une diminution de leurs investissements (de l’ordre de – 40% pour les Indépendants et – 25% pour les Majors) à la suite de la baisse brutale des prix du brut début mars. La capacité de réaction de chaque opérateur était liée aux clauses de ses contrats de forage et de complétion mais globalement la chute du nombre d’appareils de forage et d’équipe de fracturation en activité a été très brutale.
Ce ralentissement peut être mesuré par le « rig count » de Baker Hughes. Le nombre de rigs à huile a baissé de près des trois-quarts en quatre mois (de 535 le 13 mars à 143 le 10 juillet) dans les trois principaux bassins, le Permian, l’Eagle Ford et le Bakken.
ANNEXE B
Le modèle de prévision de la production de l’EIA
De nombreux consultants ont construit des modèles permettant de simuler l’évolution de la production issue du shale en fonction (i) du parc existant de puits productifs (souvent appelés « legacy wells ») et (ii) des nouveaux puits mis en production.
L’EIA, agence du gouvernement fédéral US (Energy Information Agency à ne pas confondre avec International Energy Agency basée à Paris) rend ses propres analyses publiques. Son modèle mis à jour mensuellement est fondé pour chaque bassin productif sur :
ANNEXE C
Les faillites annoncées et leurs conséquences
Les précédents depuis 2014
L’industrie a connu une expérience récente au cours des années 2014 à 2017 en matière de faillites. Selon les décomptes de Haynes & Boone, cabinet d’avocats qui fait autorité en la matière :
Il est intéressant de noter que la croissance de la production globale de liquides et de gaz de shale s’est poursuivie alors que cette vague de faillites s’est produite. Sans qu’il soit possible de faire un décompte exact, il est hautement probable qu’une partie significative des sociétés en faillite a continué à produire.
Cadre juridique très résumé
La législation US sur les faillites (Bankruptcy Code) contient le célèbre Chapter 11 qui a pour objet de favoriser la poursuite de l’activité des sociétés et d’éviter leur liquidation pure et simple (Chapter 7). Ce dernier est peu médiatisé car il concerne les sociétés les plus petites qui n’ont pas les moyens d’accéder au Chapter 11 qui est l’apanage des sociétés plus importantes. Celles-ci, voyant venir les difficultés, ont en général le temps de s’y préparer en s’entourant de conseils juridiques et financiers spécialisés (« restructuring advisors »).
La procédure de Chapter 11 débute par une demande (filing d’une « petition ») et se conclut par la décision d’un juge d’approuver un « plan de réorganisation » qui prévoit le traitement de chaque classe de créditeurs, selon les quatre grandes catégories suivantes par ordre décroissant de priorité sur les actifs :
Chaque classe, dont les créances ou droits sont affectés (« impaired ») peut voter sur le plan (les classes « non impaired » sont réputées accepter le plan). Celui-ci ne peut être approuvé par le juge que si une classe « impaired » au moins a voté en sa faveur à une majorité qualifiée.
Trois grands types de plans de réorganisation sont possibles :
Dans la plupart des cas, que le plan soit pré-approuvé ou non, la poursuite des opérations nécessite de nouveaux financements qui sont en général consentis par les banques sous le vocable de « Debor In Possession (DIP) financing ». Ce terme signifie littéralement que la société en faillite (« debtor ») conserve ses actifs (« possession ») pour opérer. Le DIP financing bénéficie d’une sûreté (garantie) de premier rang sur l’ensemble des actifs. Il est très répandu dans le domaine du shale même lorsque la faillite se termine par une cession totale des actifs.
La restructuration des contrats industriels peut être une source de problèmes. La société peut demander au juge leur modification ou leur résiliation (« rejection ») au motif qu’ils seraient trop onéreux (« burdensome »). S’agissant du secteur du shale, les contrats visés portent sur les « oil services » ( forage, fracturation, proppant, complétion) et le « midstream » (transport, traitement du gaz/extraction des liquides, stockage). Dans ce dernier domaine certains contrats « take or pay » étaient considérés comme impossibles à résilier car ces clauses étaient considérées un « droit immobilier » attaché aux actifs de production. Une nouvelle jurisprudence, établie en 2018 à la suite du Chapter 11 de Sabine Oil & Gas en 2015 et lui permettant de mettre fin à ces contrats, rend l’analyse plus complexe.
Quel sort pour les sociétés en faillite et leurs actifs ?
L’effet des Chapter 11 sur la production globale devrait être difficile à observer comme en 2015-2017. Les sociétés (debtors) poursuivent leur exploitation jusqu’au jugement et applique la même logique de « cash burning » aux décisions de fermeture de puits que les sociétés in bonis. En revanche les puits rentables sont laissés ouverts même si leur potentiel économique n’est pas optimisé. Le cash flow à court terme est en effet privilégié. Par ailleurs les debtors réduisent en général massivement leurs investissements mais cela ne les singularise pas dans la conjoncture actuelle.
La situation au 30 juin 2020
23 producteurs ont entamé un Chapter 11 en 2020
5 d’entre eux ont accumulé des dettes non garanties supérieures à 1 G$, parmi lesquels figurent des noms de premier plan : Whiting Petroleum (important producteur du Bakken) et Chesapeake Energy.
Le plan préapprouvé présenté début avril par Whiting Petroleum, dont le passif est de 7,9 G$ (3,4 G$ garanti et 2,5 G$ sans garanties), est une bonne illustration du traitement des passifs:
Il est probable que l’accord des investisseurs obligataires comporte des clauses de sortie qui leur permettent de sortir avant le jugement en cas de dégradation de la situation.
Plusieurs plans antérieurs en cours d’approbation sont en difficulté
Plusieurs accords antérieurs à la chute du WTI début mars sont remis en cause qu’il s’agisse de vente d’actifs ou de recapitalisation liées à des procédures préapprouvées fin 2019 car les business plans présentés alors aux investisseurs ont été totalement bouleversés. Certains « DIP financing », généralement considérés comme très sûr car assortis d’une garantie de premier rang, sont en difficulté.
Les banques semblent prêtes à prendre le contrôle opérationnel de sociétés et/ou d’actifs
Certaines sources indiquent que les grandes banques américaines s’organisent dans ce sens en recrutant des ingénieurs pétroliers et des gestionnaires. L’éventualité de telles prises de contrôle traduit probablement un certain pessimisme de la part des banques qui préfèrent faire jouer leurs garanties plutôt que de s’en remettre à des plans de réorganisation. Une telle attitude serait en contraste avec leur relative passivité depuis 2014.
Les fonds d’investissement ont été échaudés mais disposent de liquidités importantes
Les fonds ont joué un rôle essentiel dans le développement du shale depuis la phase de démarrage (i) en fournissant des capitaux d’amorçage à des opérateurs agiles sans ressources financières jusqu’à la maturité du secteur et (ii) en étant une contrepartie essentielle dans les fusions et acquisitions. Le marché boursier a longtemps permis aux fonds de céder leurs participations, partiellement ou en totalité, et de réaliser les performances financières attendues par leurs investisseurs. Ces performances mêlent des réussites brillantes et des échecs qui se concrétisent par des cessions à perte ou des faillites. Celles-ci font partie des risques du métier des fonds et ne sont donc pas une raison en soi de quitter le secteur.
Les principaux fonds ont créé une activité spécialisée dans les entreprises en difficulté, pudiquement qualifiée de « special situations », qui peuvent jouer un rôle direct et opportuniste dans les plans de réorganisation en:
A moyen terme, les faillites alimentent le « deal flow » des fusions-acquisitions car les sociétés issues des plan de réorganisation deviennent des cibles.
ANNEXE D
La situation financière à court terme du secteur du shale
Augmentations de capital
Les augmentations de capital réalisées à partir de janvier 2016 ont rétabli la situation financière de nombreux producteurs et contribué de façon importante au redémarrage du secteur. Pioneer, cité plus haut, a eu l’audace de lancer la première opération un mois avant que le prix spot du WTI ne touche son plus bas le 11 février (26,19 $/b, niveau qui n’a été enfoncé que le 18 mars 2020). La plupart des autres augmentations de capital ont été décidées alors que le prix du WTI avait entamé sa remontée rapide vers 40 $/b. En transposant cet historique à la situation de marché actuelle, il est probable que de telles augmentations de capital ne pourront intervenir avant plusieurs mois.
Marchés de dettes
Le seul indépendant « pure player » du shale qui puisse émettre des dettes de marché « investment grade » est le leader EOG Resources. Il a levé début avril 1,5 G$ sur 10 et 30 ans à des taux d’intérêt de 4,38% et 4,95% respectivement. Les autres principaux indépendants du shale appartiennent à la catégorie peu enviable des « fallen angels » en jargon financier, dont la notation vient d’être dégradée d’investment à non investment. Ils rejoignent ainsi leurs concurrents plus fragiles (et souvent plus petits) ancrés depuis longtemps parmi les « non investment ». Ces producteurs ne peuvent accéder au marché dans la conjoncture générale dégradée décrite plus haut. Les problèmes actuels intrinsèques au secteur du shale n’incitent pas les investisseurs à faire des exceptions.
Financements bancaires
Les signatures « investment grade » continuent d’avoir accès à des crédits bancaires sans devoir octroyer de garanties sur leurs actifs. Tel n’est pas le cas des producteurs « non investment » qui recourent à des financement garantis sur leurs actifs dont le montant est en relation avec la NPV de leurs réserves. Il existe une grande variété de structures mais dans la majorité des cas les montants sont recalculés (« redetermination ») tous les six mois sur la base des scénarios de prix fixés par les banques. La baisse récente du WTI va donc entraîner une baisse des montants maximum disponibles. La réduction s’appliquera sur les encours (montants empruntés dont le remboursement sera « accéléré » selon le contrat de crédit ou après une négociation amiable avec la banque) et sur les montants non utilisés. Une majorité de producteurs et banques sondés en mars estimait que la prochaine baisse des montants serait de 20 à 30%.
Eligibilité au soutien mis en place par l’Etat fédéral en réponse à la crise du Covid-19 ?
Le Congrès a approuvé des mesures d’un montant global de 2 200 G$ pour soutenir l’économie comprenant 500 G$ de prêts et garanties destinés aux entreprises. L’éligibilité des producteurs de shale fait l’objet d’un âpre débat à connotations très politiques en cette année électorale.
« Financements alternatifs »
Dans un schéma simplifié le passif des acteurs du shale – producteurs, prestataires du « midstream » (transport, traitement, stockage) et des « oil services (forage, fracking, complétion) – comporte les trois tranches décrites plus haut. Par ordre de risque décroissant : fonds propres, dette senior non garantie, dette senior garantie.
Ce schéma peut être complexifié lorsque les capacités des trois tranches ci-dessus sont épuisées. Des tranches intermédiaires viennent s’insérer entre fonds propres et dettes senior garanties ou non au prix d’un alourdissement de la structure financière :
Un exemple typique récent a été l’émission par Oxy pour financer l’acquisition d’Anadarko de 10 G$ d’actions de préférence assorties d’un dividende en cash de 8% et de bons de souscription d’actions portant sur 10,65% du capital d’Oxy. Celles-ci ont été souscrites par Berkshire Hathaway, la holding du financier Warren Buffett. Nombre d’analystes ont souligné à l’époque les conditions très onéreuses de cette tranche qui avait permis à l’offre d’Oxy de prévaloir face à celle de Chevron.
Certaines JV dans le shale, rassemblant un opérateur et un fonds d’investissement dans une structure qualifiée de « Drillco » sont des formes de financement alternatif. Les deux partenaires font des apports à Drillco, des actifs non encore développés pour l’opérateur et des fonds pour les investisseurs. La totalité du cash flow de Drillco ira à ces derniers jusqu’à ce qu’ils aient obtenu un taux de rentabilité donné (e.g. ~15%). L’opérateur recevra ensuite de l’ordre de 90% du cash flow.
Ces deux formes de financement, tranches intermédiaires et Drillcos, seront appelées à jouer un rôle important pour les producteurs sous forte contrainte financière mais avant que leur situation ne soit irrémédiablement compromise et les conduisent à la faillite.
Les couvertures de prix
La majorité des Indépendants couvrent le prix d’une partie de leur production sur une période qui peut atteindre 18 à 24 mois. Ces couvertures de prix peuvent avoir un coût ex ante, sous la forme d’une prime versée, que les producteurs s’efforcent en général de minimiser. Trois « stratégies » de couverture typiques sont à « prime nulle » :
Ces trois stratégies avaient par définition une valeur nulle au moment de leur mise en place, en général lorsque le WTI était largement supérieur aux prix actuels. Si le bénéficiaire décide de les annuler maintenant (retourner en jargon financier), il peut encaisser une soulte importante à condition d’assumer ensuite une pleine exposition aux fluctuations du WTI. Cette alternative fait partie des solutions très risquées étudiées par des sociétés en difficulté pour doper leur cash flow.
ANNEXE E
La réactivité du shale face aux signaux du marché
Les effets de la pandémie sur la demande de pétrole brut finiront par s’estomper sans qu’il soit aujourd’hui possible de décrire les scénarios d’évolution :
Le retour d’un équilibre du marché lorsque les stocks seront revenus à des niveaux jugés normaux enverra des « signaux prix » qui détermineront les ressources additionnelles qui pourront être « appelées » pour s’ajouter à la production courante.
Dans chacune de ces trois catégories les critères économiques prendront bien sûr une place de premier plan dans le choix des actifs qui recevront les investissements.